La  Gaubretiere  27 fevrier 1794
"LE GRAND MASSACRE"


trajet des massacreurs

Carte réalisée à partir de celle figurant dans l’ouvrage de P. M. GABORIT et N. DELAHAYE : "Les 12 colonnes infernales de Turreau" Avec l’aimable autorisation des Editions "Pays et Terroirs" 65 place de Rougé 49300 Cholet (lettre du 19 février 1997)

Vu par Huché (Général de brigade commandant la place de Cholet)
          
et Turreau (Général en Chef de l'Armée de l'Ouest)
(S.H.A.T. : Correspondance Armée de l’Ouest)

Le compte rendu du subordonné au supérieur

de Chollet le 10 ventose an 2 (28/2/1794)
Le Général Huché
au Général en Chef

Je te rends compte, mon cher général, de la sortie que j'ai faite hier contre les brigands que j'ai trouvé sur les huit heures à La Gaubretière. Je les ai égayés de la bonne manière; ils étaient en trop petit nombre pour en faire un grand carnage. Plus de cinq cents, tant hommes que femmes, ont été tués.

Leur cavalerie, avant de rien engager, a pris la fuite et  nous l'avons aperçue dans le lointain. Cette canaille a été assez audacieuse que de nous provoquer par des défis, des huées et des injures. On s'est fusillé très peu et quarante de ces scélérats sont tombés.

La troupe avait été mise, avant son arrivée, sur deux colonnes. Celle que je commandais marchait dans un chemin couvert; à son aspect les brigands se sont mis dans une déroute complète. J'ai fait fureter les genêts, les fossés, les haies et les bois, et c'est là qu'on les trouvait blottis. Tout a passé par le fer, car j'avais défendu que, les trouvant ainsi, on consommât ses munitions.

Les fouilles faites des repaires, j'ai fait marquer les lieux où il y avait des grains, je les ai réservés et ai fait incendier de suite le reste.

J'oubliais de te dire qu'à mon arrivée à La Vérrie, j'ai fait passer au fil de la baïonnette tout ce que j'y ai trouvé, à la réserve des enfants, et que j'ai incendié ce qui était échappé aux flammes; là il y avait peu de ces coquins-là.

Mon expédition faite à La Gaubretière, je me suis dirigé sur Saint Malo; un petit bourg sur la route a été incendié.

A Saint Malo, il n'y avait rien, pas une âme, j'ai ordonné le feu. Je me suis porté ensuite sur Saint Laurent où nous n'avons rien trouvé; les brigands étaient partis la veille. Tes ordres demandaient ma présence à Chollet, et j'y suis revenu.............

Les félicitations et encouragements du supérieur au subordopnné

de Nantes le 11 ventose an 2 (1/3/1794)
Turreau, Général en Chef de l'Armée de l'Ouest
au citoyen Huché Général de Brigade

Courage, mon cher camarade, et bientôt les environs de Chollet seront nettoyés de rebelles. Si chaque officier général ou supérieur ne les tuait, comme toi, que par centaines, on en aurait bientôt trouvé la fin... Je transmets sur le champ au ministre de la guerre la nouvelle du succès dû à ton extrême activité.............

Le compte rendu du militaire à son autorité de tutelle

de Nantes le 12 ventose an 2 (2/3/1794)
Turreau, Général en Chef de l'Armée de l'Ouest
au Ministre de la Guerre

Le Général de Brigade Huché, qui commande à Chollet une forte garnison, avait reçu l'ordre de moi de dissiper tous les rassemblements qui pourraient se former aux environs. Instruit qu'il y avait sept à huit cents brigands à La Gaubretière qui inquiétaient Mortagne, Huché part de Chollet avec un fort détachement, et, par une marche nocturne et rapide, surprend les ennemis. Cinq cents ont été taillés en pièces, parmi lesquels un grand nombre de femmes, car les femmes s'en mêlent plus que jamais. Cette affaire a eu lieu le 27 février et ce rassemblement est entièrement dissipé; mais il s'en forme de nouveaux journellement, et je ne puis ni ne dois te dissimuler que je n'ai pas assez de forces pour empêcher une trouée ........

L’appropriation devant le pouvoir politique de ce qui ne peut être qu’une action d’éclat

de Nantes le 12 ventose an 2 (2/3/1794)
Turreau, Général en Chef de l'Armée de l'Ouest
au Comité de Salut Public

Encore un victoire remportée sur les rebelles ! Le Général Huché, commandant les troupes stationnées à Chollet, s'étant, par mes ordres, porté à La Gaubretière, a fait mordre la poussières à cinq cents scélérats. La cavalerie qui les accompagnait a pris la fuite avant l'action. La fusillade a duré peu de temps, et l'arme blanche, si chérie des Français, a fait besogne.............

La modestie du "vainqueur" (document non trouvé au S.H.A.T., cité par divers auteurs)

de (lieu inconnu) le (date inconnue)
le Général Huché
au Général en Chef de l'Armée de l'Ouest

.................. Tu n'aurais pas dû parler de moi au Ministre, l'affaire de La Gaubretière n'en valait pas la peine ..................

Et vu de très loin (Archives Nationales W22 - Extrait)

Au citoyen Huché, Général de Brigade,
Commandant les troupes estationé à Cholet,
départemant de la si devant vendée
de St Cantin le 4 ventose l’an deuxième de la République

Mon chere amis

J’ai vu avec grand plaisire dan la feuille publique, que tu avez fait mordre la poussiere a 500 cent brigand dan une sorti que tu ast faite avec les troupes estationné a cholet. Sanemapas surpris car je conais ton courage et ton zel pour la defense de la République. Set toujour avec un nouvaux plaisire que je prendrais de tes nouvelle

Salut et fraternité

ton ami Guibert

Guilbert dan le 10me bataillon des fédérés
stationné à St Cantin
départemant de l’aine

Vu par un témoin gaubretiérois Pierre Rangeard qui avait 19 ans à l’époque (Chroniques paroissiales du Diocèse de Luçon)


Notre infortunée paroisse, déjà si cruellement éprouvée, commençait à respirer, lorsque le 27 février 1794 vint mettre le comble à ses désastres. Dès le matin, des colonnes parties de Nantes, de Cholet, de Mortagne et de Montaigu la cernèrent de toutes parts. Ils étaient, peut-être 10.000, n'ayant pour mot d'ordre que la mort et l'incendie. Ils n'exécutèrent que trop leur implacable consigne. Le fer n'épargna rien de ce qu'il pu atteindre et le feu consuma tout.

Plus de 500 personnes furent tuées !... Voici les plus marquant :

- Mme Le Brault de la Touche chez laquelle l'état-major vendéen tenait ses réunions; c'était une ange de piété; on lui trancha le tête que l'on jeta dans un bassin plein d'eau. Son corps fut lancé au milieu des flammes avec ceux de ses quatre domestiques qui ne voulurent pas l'abandonner et partagèrent son sort;
- M. Morinière, sa femme, deux domestique et une de mes tantes furent traités avec la dernière barbarie. Sur leur refus constant de crier "Vive la République", ils eurent la langue arrachée, les yeux crevés et les oreilles coupées avant de recevoir le coup de la mort;
-- M. de la Boucherie, sa femme, et Mlle de la Blouère, sa sœur, furent suspendus par le menton à des crampons de fer, au milieu de leur cuisine, et consumés dans cet état par l'incendie qui réduisit leur maison en cendre;
-- Quatre MM. de Rangot avaient quitté l'armée au passage de la Loire; ils furent massacrés dans un champ de la ferme appelée le Gros Bois;
--M. le chevalier de Boisy, frère du comte fusillé à Noirmoutier, succomba sous les coups des assassins auprès du village de la Ripaudière;
-- Deux hommes pris dans le jardin de M. Forestier, périrent par le sauvage supplice du pal, au lieu même de leur arrestation.

Le coeur saigne encore à la pensée de tant d'horreurs.

J'avais eu le bonheur de m'enfuir avec ma vieille mère dans la commune de Beaurepaire qui n'éprouva rien de semblable. On n'en voulait qu'à la Gaubretière, pour le moment. Du lieu de notre retraite qui n'était pas éloignée, nous entendions les cris des mourants mêlés aux affreuses clameurs des soldats. D'épais tourbillons de flammes obscurcissaient le ciel sur une vaste étendue.

Le lendemain au soir, un profond silence avait succédé aux bruits tumultueux. Nous nous hasardâmes, le nommé Fumoleau et moi, à visiter notre malheureux bourg. Ce n'était plus qu'un monceau de cendres d'où s'échappait encore une chaleur brûlante dont l'air était tout embrasé. Tout ce qu'il y avait de combustible à l'église était devenu la proie des flammes, la toiture, une chaire magnifique, des boiseries remarquables, les bancs, les autels. Mais le monument protégé par les belles voûtes en pierres était seul resté debout au milieu de cette ruine universelle, comme un signe d'espérance et un témoignage frappant de l'indestructible existence de l'Eglise de Dieu. Qui pourrait dépeindre tout ce que j’éprouvais à ce spectacle. Mais ce qui navrait le cœur, c'était la vue de ces cadavres dont la terre était couverte. Les uns commençaient à se décomposer; les autres étaient dévorés par les chiens; les corbeaux s'abattaient par nuées, cherchant une pâture dans ces tristes restes que nous étions impuissants à défendre contre ces révoltants outrages. Cependant, plusieurs personnes étant venues nous rejoindre, nous pûmes rendre les derniers devoirs aux cadavres que nous rencontrions sur les chemins voisins et dans les rues. Mais combien d'autres dont les ossements blanchis par le temps ont jonché pendant plusieurs années ces champs de désolations.

Extraits du livre de M. Paul Legrand sur La Gaubretière (Editions Hérault)


Dès l'arrivée des Bleus, les habitants, selon leur coutume, s'étaient enfuis dans les bois; mais cette fois les Républicains étaient en nombre et, sans craindre une attaque des brigands, ils parcoururent en tous sens le réseau inextricable de fourrés et de genets qui entouraient la paroisse, massacrant et brûlant avec une épouvantable férocité.

Dans les bois du Drillais plus de 300 femmes, poursuivies et traquées comme des bêtes fauves, furent éventrées.

A la Fauconnière, dans les grands bois qui entouraient l'étang, tout un groupe de femmes, de vieillards et d'enfants furent égorgés, surpris alors qu'ils priaient dans la forêt.

Les gorges sauvages qui courent parallèlement à la vallée de la Crume, et où les habitants s'étaient réfugiés en grand nombre, devinrent le théâtre d'épouvantables boucheries; dans l'une d'elles, les victimes furent si nombreuses, les cris que leur arrachait la douleur si épouvantables, que ce site lugubre a toujours conservé depuis le nom sinistre de "Vallée des Royards" (royer, en patois, signifie hurler de douleur).

Dans un autre champ qui porte encore le nom de "Champ des Oreilles", les bandits massacrèrent une cinquantaine de Gaubretiérois et, par un raffinement de cruauté, leur arrachèrent les oreilles dont ils se firent de hideux trophées. Ce n'est pas là d'ailleurs le seul exemple de cette monstrueuse mutilation et l'on peut voir, dans nombre d'historiens bleus et blancs, de pareils récits de bestiale cruauté.

Dans cette véritable chasse à l'homme, comme d'ailleurs dans toutes leurs expéditions autour de Mortagne, les Républicains étaient aidés de grands chiens qu'ils avaient dressés à découvrir les Vendéens cachés dans les fourrés impénétrables et qui parfois les déchiraient avant que le fer de leurs maîtres les aient atteints. Cette nouvelle cruauté servit d'ailleurs plusieurs fois à sauver la vie aux malheureux fugitifs, car le bruit des grelots que ces chiens portaient à leur collier était un indice certain de l'approche d’une colonne républicaine.

Marie Lourdais (d’origine bretonne, épicière à La Gaubretière, sa vie durant la grand’guerre se résume en 3 expressions : sauver les prêtres, soigner les blessés, porter les messages) passant à La Gaubretière le 20 mai 1794, c'est-à-dire trois mois après le massacre, elle nous décrit ainsi l'aspect du bourg.

... Je revins à La Gaubretière, tout était brûlé... La désolation était toujours grande. Cette malheureuse Gaubretière semblait un désert; des milliers de corbeaux s'abattaient sur les endroits où des quantités de corps à peine couverts de terre étaient enterrés; il ne faisait pas bon s'y promener, l'air était empoisonné !

... Aucune maison de La Gaubretière n'était restée debout depuis le Sourdis, habitation du général de Sapinaud, jusqu'à la plus chétive cabane. L'état-major (n.d.l.r. : de l’Armée du Centre) avait été oblige d'aller s'établir au château de Beaurepaire, à une demie-lieue de là...

... Il (le général de Sapinaud) aimait à quitter son camp de Beaurepaire pour revoir La Gaubretière et son chateau du Sourdis; il ne rencontrait partout que des monceaux de cendres.

François Faivre, parti à 16 ans avec l’Armée du Centre, arrêté à Laval, il fut 15 mois prisonnier à Nantes. Il écrit dans ses mémoires :

Ma bonne femme prise par les bleus a eu le bonheur de s’évader du bois du Drillais (lors du grand massacre) ... Rentré à La Gaubretière, je ne pouvais en croire mes yeux (quel spectacle mon Dieu !). Sans l’église, malgré qu'elle fut sans couverture, j’aurais eu de la peine à reconnaître l’endroit qui m'avait donné le jour.

Tel était l'aspect de La Gaubretière à la fin de la guerre. L'église seule se dressait presque intacte au milieu d'un amas de décombres et de cadavres que l'hiver recouvrait à peine de sa housse blanche, et sur ce tapis immaculé, dont chaque légère ondulation cachait une ruine ou un cadavre, des vols effarés de grands corbeaux et des bandes nombreuses de loups faisaient comme un semis d'hermines.

La tradition locale rapporte que le soir du Grand Massacre, le ciel, par un prodige, devint tout rouge,
comme s’il avait voulu refléter tout le sang qui coulait en ce coin perdu du bocage.

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